Interview : lisez l’analyse d’un DRH engagé et passionné

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Un des secteurs le plus touché par le coronavirus (après la santé naturellement) est celui de l’agriculture. Il a dû se réinventer en quelques jours, trouver de nouveaux bras pour les récoltes, trouver de nouveaux canaux de distribution, le tout en assurant le respect des gestes barrières dans les exploitations. Un véritable challenge qui a été relevé sur toute la chaîne de valeurs.

Aujourd’hui, nous échangeons avec Sébastien Graff, DRH du groupe InVivo. Le rôle de cette entreprise de 5 345 collaborateurs est de fédérer les coopératives pour transformer durablement l’agriculture et assurer la qualité alimentaire en France et dans le Monde. Invivo a trois activités principales : l’agriculture, la distribution (alimentaire et jardinerie) et le vin.

I. Découvrir InVivo

Bonjour Sébastien Graff, comment s’organise aujourd’hui InVivo ?
InVivo est une union nationale de 201 coopératives agricoles françaises. Elle a vocation à porter la 3ème voie de l’agriculture bâtie sur l’association de l’ensemble des agricultures et la mise en place d’une relation gagnant-gagnant entre agriculteur et consommateur-citoyen.

En termes d’organisation, la majorité de nos activités a été maintenue et de nombreux collaborateurs sont présents quotidiennement sur site. Les directions métiers sont pleinement mobilisées pour mettre en place l’ensemble des mesures garantissant leur sécurité.
Le groupe est désormais engagé dans un double combat : celui de limiter la propagation du virus et celui de contribuer activement au maintien de la production agricole et de la distribution alimentaire.

Comment avez-vous géré cette crise chez InVivo ?
Face à la propagation du Covid-19 en France, nous avons réagi dès les premiers jours afin de préserver autant que faire se peut la santé des collaborateurs du groupe. Une cellule de crise, réunissant tous les métiers en France et à l’international a rapidement été organisée, et une messagerie et un numéro vert dédiés ont été créés.

Dès les premiers jours du confinement, nous avons également commencé à consulter l’ensemble de nos parties prenantes et notre écosystème afin de co-construire « l’étape d’après », d’envisager tous les scenarios possibles, de voir venir… De ces échanges réguliers et riches a résulté le plan de sortie de crise du groupe : InVivo Rebound Plan 2020 – dont les points essentiels sont présentés ici.

Quel a été votre plan de continuité d’activité ?

En ce qui concerne le pôle « agriculture », des plans de continuité des activités ont été mis en place. Opérant sur toute la chaîne de production agricole, en particulier dans les domaines des semences et de la protection des plantes – deux secteurs fortement sollicités en cette saison -, nous nous sommes mis rapidement en capacité de répondre à la demande de la ferme France pour ne pas risquer de générer une pénurie dans les mois à venir.

L’interdiction d’ouverture administrative partielle (à l’exclusion des rayons alimentaires et d’aliments et fournitures pour les animaux de compagnie) a entraîné une perte de chiffre d’affaires immédiate de près de 95% pour nos activités « retail », nous obligeant à mettre une grande partie des effectifs de ce pôle en situation de chômage partiel. Le gouvernement est récemment revenu sur sa position suivant ainsi nos recommandations et celles de nos confrères. Nos jardineries vont donc pouvoir rouvrir progressivement l’ensemble de leurs rayons dans le respect des exigences de sécurité et de santé.

Compte tenu de la fermeture des cafés, hôtels et restaurants dans toute la France et en Europe, les ventes de vin se sont arrêtées sur ces secteurs, tandis qu’elles perdurent pour la grande distribution. Nos activités de production (par exemple, Café de Paris) tournent à plein régime mais pourraient faire l’objet de difficultés d’approvisionnement en produits « secs » (verrerie, carton, étiquette…).

Quant à notre plateforme digitale collaborative aladin.farm, elle ne connaît aucune interruption d’activité et se révèle d’autant plus nécessaire aux agriculteurs et coopératives en cette période de confinement.

II. Vous

Comment cette crise a-t-elle impacté votre rôle de DRH ?
Dans la gestion de cette crise sans précédent, le DRH, en première ligne, est en grand écart permanent : avec un pied dans le présent – garantir la sécurité des salariés, accompagner ceux placés en situation de chômage partiel, animer les relations sociales, informer au quotidien, prendre en compte les nouvelles obligations administratives, optimiser le temps de travail – et un pied dans l’avenir – participer à la définition du plan de rebond et s’assurer qu’il correspond à la réalité de terrain, préparer le déconfinement, mobiliser et motiver les équipes, anticiper les impacts sociaux, etc.

Qu’est-ce que cette crise vous a appris sur vous et/ou vos équipes ?
La crise est un révélateur, notamment via l’observation des réactions individuelles et collectives.
Nous avons activé nos modes de fonctionnement transversaux et capitaliser sur notre agilité. Certains de nos collaborateurs se sont vus attribués des missions non pas en fonction de leur position ou leur fiche de poste mais de notre capacité à évaluer chez eux le pronostic d’efficacité et de réussite. Nous avons eu d’excellentes surprises ! C’est ainsi qu’en quelques jours une production de gel hydroalcoolique a été lancée sans que l’on n’ait d’expérience préalable dans le domaine. Par ailleurs, plusieurs de nos collaborateurs ont révélé des limites sans pour autant aller jusqu’à la disqualification.

En ce qui me concerne, et puisque vous posez la question, j’ai repris dans ma façon de travailler certains fondamentaux que l’on retrouve dans des adages bien connus :

  • L’anticipation : «On prépare la guerre en temps de paix »
  • La prise de risque dans la confiance : « savoir traverser la rivière sans vérifier chaque caillou »
  • Le sens de l’action : « on apprend en marchant »
  • L’intelligence collective : « le travail individuel permet de gagner un match mais c’est l’esprit d’équipe et l’intelligence collective qui permet de gagner la coupe du monde. » (Aimé Jacquet)
  • L’endurance : « si vous rentrez dans un mur, n’abandonnez pas, escaladez-le, creusez un tunnel, travaillez autour »
  • Le travail d’équipe : « certains veulent que ça arrive, d’autres aimeraient que ça arrive et quelques-uns font que ça arrive. » (Michael Jordan)

Comment avez-vous travaillé en équipe de Direction ?
Une partie de l’équipe de direction continue de se rendre au siège du groupe en respectant les règles de sécurité et les gestes barrières. Nous sommes par ailleurs en contact permanent avec la direction de nos sites en France et à l’international grâce aux outils digitaux avec lesquels nous nous sommes tous familiarisés très rapidement. Nous avons par exemple présenté notre plan de rebond le 16 avril dernier à notre conseil d’administration et 30 personnes ont participé à notre vidéo conférence.

Quels outils ou moyens avez-vous spécifiquement mis en place ? Quels « tips » donneriez-vous au Cercle Mermoz ?
S’il faut en citer, nous utilisons Teams, Skype, WhatsApp (avec différents groupes dédiés), Zoom… La plupart d’entre eux était déjà mis en place sur nos équipements.

Aucun collaborateur ne doit se sentir isolé, d’autant plus qu’aujourd’hui la technologie nous permet d’être réunis – y compris à distance. J’ai pour ma part une préférence pour la visioconférence (quel que soit l’outil choisi). Cela peut paraître trivial mais se voir est important, de même qu’observer les réactions de chacun, ou interagir au-delà de la parole. Mais cela ne doit pas constituer une obligation, évidemment. Chacun est libre de choisir.

III. La fonction RH au cœur de l’entreprise

Quelle(s) action(s) mise(s) en place pendant cette crise allez-vous conserver ?
Cette crise a indubitablement accéléré notre réflexion sur la transformation des organisations de travail. Voire a accéléré la transformation même de nos organisations, et ce de manière inévitable.

Au niveau du corporate, les collaborateurs sont en télétravail – un dispositif que nous avions bien entendu aménagé chez nous via un accord établi avec nos OS il y a 4 ans. Cependant cette généralisation nous amènera certainement à aller plus loin dans la pérennisation de cette « nouvelle » forme de travail.

Pour les autres actions mises en place, nous sommes convaincus que les répercussions de cette crise étant impossibles à déterminer avec certitude, il serait présomptueux de notre part d’affirmer que nous conserverons ceci et abandonnerons cela. Les prochains modèles de fonctionnement des organisations restent encore à inventer.

Pensez-vous que l’image de la fonction DRH soit vue différemment depuis cette crise ?
Depuis quelques années, j’ai vu et vécu personnellement la transformation de la fonction DRH, se transposant vers un rôle beaucoup plus stratégique au sein de l’entreprise.

Ce rôle s’est aujourd’hui affirmé – c’est bien en temps de paix qu’il faut préparer la guerre… – et le caractère incontournable de la fonction se confirme chaque jour. De ce que je peux en juger sur les réseaux sociaux et dans les médias, l’image s’est encore un peu améliorée et l’ampleur de nos missions est d’avantage comprise et estimée.

 

 

 

 

 

Alexis Michau

Associé